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Pierre-Hugues Herbert : “Le Rêve Australien !”

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Une finale en Grand Chelem ! Imaginez le truc ! Totalement dingue ! Le rêve absolu ! Dommage que, dans mon cas, le bonheur extrême de vivre une telle expérience ait dissimulé quelques grosses zones d’ombre.

Notre exploit en double à Melbourne avec Nicolas Mahut clôturait en beauté une tournée australienne qui avait en effet très mal commencé pour moi. Lors du 1er tournoi à Brisbane, j’ai été contraint d’abandonner avec “Nico” en me faisant un lumbago au 1er tour du double contre Raonic/Tomic. Une cata! Je joue avec un N°21 mondial, une star du double, le finaliste de Roland Garros 2013 avec Mika Llodra, qui a misé gros sur notre collaboration, déclinant des propositions de joueurs autrement mieux classés que moi… Et je “pars en sucette” d’entrée…Pourtant j’avais quand même quelques références en double : 13 Futures et 13 Challengers, le tout avec 15 partenaires différents, victoire à Wimbledon en double chez les Juniors, et surtout le titre au Masters de Tokyo  avec Michal Przysiezny en septembre dernier en sortant au passage les frères Bryan. Mais je n’en mène pas large quand même, car j’avais à cœur d’honorer la confiance que Nico m’accorde… Alors même que je suis à 100% mobilisé pour faire décoller ma carrière en simple… Avec en ligne de mire, les qualifs de l’Australian Open.

Combiner simple et double n’est jamais évident. Souvent, le fait d’aller loin en duo vous empêche par exemple de jouer la semaine d’après en solo, surtout quand vous aviez prévu de faire les qualifs du tournoi suivant. C’est d’autant plus compliqué que vos classements sont différents d’une spécialité à l’autre. Et puis il y a la fatigue bien sûr! Quand les matches s’enchaînent, elle s’accumule et vous en payez les frais à plus ou moins court terme.

J’ai plutôt vite récupéré de mon lumbago et, après une reprise en douceur de 2-3 jours, je jouais le 1er tour des qualifs de l’Australian Open. Face à un adversaire très dangereux, le Coréen Chung, 169e ATP, et, insuffisamment préparé, j’échouais au 1er tour en 2 sets secs. Allez! Disons que, dans le contexte, c’était un mal pour un bien, car, du coup, Nico ayant subi le même sort que moi en qualifs, je pouvais continuer ma “rééducation” et nous bénéficions de 7 jours pour bien nous préparer pour mon premier Australian Open en double.

Depuis le début de ma carrière, avec mon père, nous avons toujours accordé une grande importance au double. Papa aime son côté ludique et formateur. Selon lui, ça permet de travailler le jeu d’attaque, de peaufiner des automatismes en service/retour et à la volée (réflexes, placement, jeu sans la balles, adaptations). Et moi, j’aime le côté “sport co” de la chose, et j’ai toujours eu énormément de plaisir à pratiquer ce jeu si différent du simple dans l’esprit et dans la stratégie, et dans le rythme aussi. Car tout va plus vite en double. Il y a beaucoup d’intensité. Les filières sont très courtes. Il faut être constamment concentré, la moindre erreur étant fatale.

Entrée en lice, donc, à “Flinders Park” le jeudi de la 1ère semaine, alors que nous n’avions pas encore eu le droit de nous entraîner dans l’enceinte même du tournoi, et hourrah !, je gagne mon premier match en Grand Chelem. Contre Oswald/Klizan. C’est quand même un soulagement, “rapport” à la pression dont je parlais plus haut…

“Le potentiel que Nico voyait en nous se confirme doucement”

Sur la lancée, nous enchaînons 2 bonnes victoires contre des équipes référence : Cabal/Farah, Qureshi/Zimonjic. Au fil des matchs, notre jeu se met petit à petit en place, nous peaufinons nos réglages et le potentiel que Nico voyait en nous se confirme doucement. L’expérience de mon partenaire me rassure aussi et nous commençons à vraiment jouer en équipe. Nous voici donc arrivés en quart de finale contre Benneteau/Roger-Vasselin, tête de série 2 du tournoi et vainqueurs de Roland-Garros. Ce duel franco-français tournera en notre faveur, mais malheureusement, trop éprouvé, trop tendu peut-être par la succession de ces confrontations à haut enjeu que je n’ai pas l’habitude de jouer, je me blesse au pied gauche sur l’avant dernier point du match. Grosse entorse du métatarse sur une reprise d’appuis que j’ai fait peut-être 1 milliard de fois dans ma vie. J’ai du mal à poser le pied par terre.

Après examen, il s’avère que l’entorse est sérieuse, mais que, située sur le coup de pied, une zone peu mobile, elle ne m’empêchera pas de jouer “ma” demi-finale. Un puissant anesthésiant injecté dans le pied pour masquer la douleur (violente), je me présente donc face à Dodig/Melo. Et nous nous en sortons avec Nico presque par miracle au tie-break du 3ème alors que nous étions mené tout au long de ce set-là. Encore un match et notre rêve de gosse sera réel. Nous affrontons Bolleli/Fognini après la finale dame en night session. 

Ce scénario a un parfum de déjà-vu…Notamment, quand j’avais 13 ans, que je ne faisais que des «first» en simple, que je me faisais dérouiller par des mecs 2 fois plus grands que moi, et que je retrouvais espoir en remportant le double dans le même tournoi. Cette histoire-là s’est répétée dans toutes les catégories : -16, -18, Futures, Challengers, jusqu’à Tokyo ATP 500 en septembre. Se refaire une santé après une grosse déconvenue en simple…Sauf que là, ma santé fout le camp! Cette finale va être un cauchemar. Le pire moment de la semaine. La tête qui tourne, mon corps qui me lâche complètement. La déprime! Une défaite dure à avaler. Deux jours pour réaliser que ce que nous avions accompli avec Nico était incroyable et que ça ne promettait que du meilleur pour notre avenir.

La suite? En simple, c’est très simple. J’ai 7 tournois pour marquer des points et entrer dans le Top 100 et intégrer directement le tableau final de Roland Garros et Wimbledon. Et avec Nico nous sommes dans la course pour le Masters de Londres avec comme objectif de gagner un Grand Chelem. Tout ça bien-sûr en gardant une bonne santé, ce que je n’ai pas réussi à faire sur ce début de saison (lumbago, entorse, chute à Marseille). Tout ça ne me ressemble pas et il va falloir 
rectifier le tir !