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Santé : Les addictions liées au tennis

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Entretien avec le Professeur Jean-Philippe Lang, psychiatre addictologue au CHU de Strasbourg est également classé 15/5, licencié au TC Holtzheim (67) et a terminé 3e de la finale nationale du Babolat Tour 2016

Les addictions, quesaco ? 

Les conduites addictives sont communes à l’espère humaine. L’être humain est une espèce animale particulièrement dépendante et jouissive. Cette nécessité de l’autre lui est nécessaire pour se développer et apprendre ce qu’il est et à quoi il ressemble. Son processus de développement et d’acquisition d’une autonomie est plutôt long (passe 9 mois dans le ventre de sa mère, puis quitte le domicile parental entre 15 et 25-30 ans) et sa sensibilité à la douleur et aux plaisirs est particulière. Dans ce contexte, les addictions sont des comportements qui permettent de se rassurer en “assurant” une conduite fidèle et plaisante notamment quand on a peur de ne pas être aimé, admiré, considéré ou lorsque la crainte de la solitude et de l’abandon s’impose. Pour certains, “le toboggan de secours” sera d’aller courir, pour d’autres, il faudra s’allumer une cigarette, manger quelque chose ou réussir dans le travail ou la compétition. Ces conduites que l’on choisit parce ce qu’elle nous plaisent et répondent à une attente, permettent de s’équilibrer dans les moments de difficulté et de nous épargner de la souffrance. Elles sont avant tout des stratégies adaptatives mais qui ont des pièges et qui peuvent devenir “dang’heureuses” ou de vraies maladies. L’homme aime jouir de la vie, il a besoin de petits moments de bonheur, d’étincelles et d’expérimentations. Donc quand quelque-chose qu’il goûte lui plaît, engendre une gratification, un sentiment particulier, il peut y avoir une “accroche” spécifique qui se traduit par  un comportement excessif avec une perte de contrôle. Il a alors l’envie de prolonger ce moment de bonheur, de le vivre plusieurs fois ou plusieurs heures par jour au point de subir des conséquences au quotidien et d’altérer sa qualité de vie personnelle, familiale ou professionnelle et même sa santé.

L’addiction appliquée au sport

En sport, ces addictions peuvent venir du plaisir de l’effort avec les endorphines que l’on sécrète, d’une “course” à la reconnaissance, même si l’enjeu n’a rien d’exceptionnel, du plaisir d’être d’aimé, de la conquête de la performance, de la victoire où même celle de vouloir perdre du poids. Ce comportement va prendre d’autant plus de place que dans notre vie, nous éprouvons des manques sociaux, familiaux, affectifs, amoureux ou professionnels. Chaque individu va alors réagir à sa manière, c’est extrêmement variable, cela dépend du retentissement qu’il va y avoir chez lui et de ce qu’il est génétiquement ou dans son histoire personnelle et familiale. Cela peut se traduire par une pratique excessive (5 heures par jour de course à pieds par exemple), ou une hyper stimulation qui débouche sur une forme de dopage (antalgique, tabac, alcool, cannabis, etc) afin d’améliorer la performance ou de la maintenir alors qu’on est blessé.

En tennis ça donne quoi ? 

Sans être un sport épargné, le tennis n’est pas un sport qu’un amateur va pouvoir pratiquer 6 heures par jour, comme parfois le running ou le fitness quand quelqu’un veut maigrir par exemple. Il se joue à deux ou à quatre, il faut un terrain. C’est un sport qui nécessite certaines conditions d’accessibilité et qui ne peut se jouer seul sauf si quelqu’un décide de faire du mur toute la journée…

Par ailleurs, le tennis dans la performance qu’il exige, alliant technique, compétences visuelles, mélange d’endurance et d’explosivité sur le plan physique, semble difficilement compatible avec le fait d’avoir bu ou fumé préalablement. Ce qui n’exclut pas des comportements dopants au haut niveau ou même au niveau amateur à l’aide de substances qui répondraient au besoin attendu. Le dopage intervient néanmoins pour réussir une performance et surtout pour la renouveler: le joueur ou la joueuse a déjà réussi une fois quelque-chose de notable et il veut vivre cette sensation. En cas de blessure, les addictions peuvent aussi lui permettre de combler ce vide et de gérer les émotions négatives soudaines ou d’essayer de raccourcir cette période en revenant plus vite à la compétition. Le phénomène que l’on peut aussi retrouver, c’est le lien qui peut parfois animer le couple entraîneur/joueur dans une “emprise” réciproque et leur co-dépendance : notamment quand un parent devient l’entraîneur et que son enfant veut réussir pour lui. Cela peut aussi arriver avec un jeune qui veut gagner pour faire plaisir à son coach qu’il admire. La volonté de réussir devient alors celle de plusieurs personnes et peut être très douloureuse autant dans le prix de la réussite que dans le coût de l’échec.

Et pour un joueur amateur ? 

Le tennis est un sport a priori moins facile d’accès que d’autres disciplines individuelles (marathon, natation, etc) que l’on va pouvoir pratiquer seul, donc quand on le souhaite. En ce sens, il ne s’agit pas du sport le plus à risques concernant les addictions, même si elles peuvent exister pour toutes les raisons que nous avons évoquées ensemble. Ceci est d’autant plus vrai qu’une activité sportive est plutôt une activité qui protège d’autres addictions, qui épanouit, qui est source d’endorphine cérébrale de satisfaction ou d’ivresse d’effort saine. Le tennis est aussi un sport très adaptable au besoin et aux manques, et où prendre du plaisir et s’amuser est rapidement accessible pour tous à tout âge et pour longtemps. Mais tout dépend de ce que le tennisman met dans sa performance, de l’importance qu’il lui accorde. Quelqu’un qui joue au tennis encourt les mêmes risques que n’importe qui de se retrouver dans une conduite pathologique, même si, a priori, celui qui fait du sport régulièrement se protège de conduites addictives pathologiques. Enfin, quand on commence à consommer des produits afin d’aller au-delà de sa compétence, le corps répond par des blessures. Quand on le pousse trop loin, ça ne fonctionne pas longtemps, le corps envoie des signaux puis dysfonctionne. Nous devons adapter nos effort à ce que nous sommes et ce que nous pouvons faire naturellement en nous entraînant à l’écoute de notre corps.